Les grands principes sont établis, il est temps de se pencher sur l'architecture du modulaire. Et, en tout premier lieu, l'inévitable choix du case et de son alimentation.

Avant de commencer...
Rappel d’un point essentiel : l’objectif de ces articles n’est en aucun cas de mettre en avant des modules comme étant « les meilleurs » ou « ceux qu’il faut avoir absolument ».
Comme expliqué précédemment, ce type d’approche n’a pas beaucoup de sens dans la conception d’un modulaire : ce qui fonctionne pour un modulariste peut s'avérer contre-productif pour un autre.
Par ailleurs, chaque décision est un compromis entre des contraintes souvent contradictoires : on cherche bien souvent un module polyvalent mais simple, confortable mais qui ne prend pas trop de place, si possible pas trop gourmand en courant… et à un prix raisonnable.
Laissez tomber, vous ne trouverez jamais le module parfait qui coche toutes les cases.
C’est là que tout le travail de réflexion préliminaire prend tout son sens : en ayant identifié clairement l’usage de l’instrument, sa place dans sa chaine de production et le budget ou le temps qu’on souhaite y consacrer, on réduit rapidement les options possibles et on peut beaucoup plus facilement faire les bons choix. Ou en tout cas, le moins mauvais.
Dans la suite de ces articles je vais donc plutôt proposer des pistes que donner des conseils précis qui auraient de grandes chances de ne pas convenir spécifiquement aux besoins d’un autre projet.
Pour chaque fonctionnalité, il existe d’innombrables options et l’objectif est de trouver la solution qui colle avec son propre projet et non pas de sauter sur le premier module qu'on peut vous conseiller ça et là.
Pour finir, quelques réflexions sur le prix des modules et des cases.
Pour des raisons évidentes, à fonctionnalités apparentes identiques, la tendance initiale est de s’orienter vers le matériel le moins onéreux.
J’insiste sur le principe de « fonctionnalités apparentes identiques » car il faut considérer un module dans son ensemble et pas uniquement en termes de fonction : ratio ergonomie/encombrement, qualité de fabrication, consommation de courant, précision des fonctions… parfois un module low-cost s’avère finalement décevant car peu ergonomique, trop petit, mal conçu, pas adapté et à l’usage il aurait été plus judicieux de mettre quelques dizaines d’euros supplémentaires pour une alternative plus adaptée.
Mais, comme bien souvent en modulaire, il n’y pas une règle absolue et le low-cost ne fait pas exception: le choix de modules bon marché peut, dans certaines conditions, être la bonne décision.
Certaines marques, comme Doepfer, Dreadbox, Mosaic ou Berhinger proposent ainsi d’excellents modules parfaits pour débuter un système avec un budget limité.

De l'Art de Prendre son Temps
Une erreur de débutant fréquente consiste à, dès le départ, envisager un système complet basé sur de nombreux modules parfois complexes aux fonctionnalités individuelles attirantes.
Prendre cette direction peut poser plusieurs problèmes :
- Tout d’abord parce maitriser les modules demande du temps.
Se procurer petit à petit les divers éléments de son rack permet d’optimiser la courbe d’apprentissage tout en étalant le cout d’achat sur la durée. Il est fréquent, lorsqu’on débute, d’avoir une idée très partielle des fonctionnalités des différents élements qui composent un modulaire et, surtout, de leurs possibilités d’interaction.
C’est déjà vrai avec des modules simples, mais c’est encore pire dès lors qu’on s’attaque aux modules complexes, aux fonctionnalités imbriquées, cachées derrière des raccourcis pas toujours intuitifs ou des menus à faire défiler sur des écrans de quelques centimètres.
Des module d’apparence accessible, comme le fameux Maths de Make Noise, ou le Stages de Mutables Instruments, s’avèrent être en réalité des instruments à part entière qui ne dévoilent toute leur puissance que si l’on y passe le temps nécessaire, en explorant toutes leurs facettes pas à pas.
- Ensuite parce que les choix qui semblent évident au départ se révèlent quelquefois mauvais à la lumière de l’expérimentation.
Il est difficile (voir impossible), quand on débute, de savoir exactement comment sera utilisé le synthétiseur et seule la pratique permet de comprendre les différentes interactions entre les modules.
On peut aussi constater, à l’usage, qu’un module découvert sur une vidéo, manipulé par un expert dans un rack optimisé, ne fonctionne pas exactement comme attendu une fois qu’on doit s’en servir soi-même, avec sa propre approche et des modules différents.
Construire son modulaire au fur et à mesure de sa propre progression personnelle aide, là encore, à orienter ses choix vers des composants adaptés au workflow, au style de musique et aux modules déjà installés.
- Enfin parce qu'il est difficile, au départ, de saisir l'importance de modules utilitaires comme les offsets, les S&H, les différents types d'enveloppes ou les VCA.
Devant la quantité phénoménale de modules, avec un budget contraint, il est donc tentant de se focaliser sur les modules plus productifs : sources sonores, filtres, LFO, effets et de remplir le rack en oubliant les fameux utilitaires qui vont rapidement se révéler nécessaires et qu'il faudra réussir à intégrer dans un case déjà trop rempli.
Au sujet des utilitaires, cette série de vidéos produite par KNHSynth est une mine d'informations et d'explications et ça vaut vraiment le coup de la regarder pour avoir une idée assez complète sur le sujet.

Il est donc bien plus pertinent de débuter avec un système simple, voire rudimentaire, puis, au fil de la pratique, de définir ce qu’il manque, de chercher les modules les plus adaptés, de revendre ceux qui ne collent pas et de faire évoluer l’ensemble de manière homogène.
A ce sujet, il existe un marché de l’occasion particulièrement vivant où on peut facilement trouver des modules à des prix raisonnables, souvent en excellent état car les modularistes sont en général des personnes assez soigneuses qui prennent soins de leur équipement.
Personnellement, j’achète et je vends régulièrement des modules sur le site Audiofanzine et je n’ai jamais eu de soucis jusqu’à présent.
Donc, pour résumer : on n’achète pas un modulaire comme un synthétiseur classique, conçu dès le départ pour fonctionner d’une manière précise et fixée par avance.
C’est en réalité l’inverse exact :
il faut construire et faire évoluer en permanence son instrument
en fonction de ses propres besoins.

Rendez-vous sur le Grid
L’étape suivante est incontournable : ouvrir un compte sur Modulargrid.
Ce site est une base de données qui recense la totalité des modules existants, avec leurs caractéristiques principales (taille, consommation électrique, fonctions…) et tous les modularistes l’utilisent pour construire leurs racks.
L’usage du site est simple et intuitive.
On commence par créer un nouveau rack dans le menu
My Modular / Edit / New Rack.
Dans l’écran suivant, les données de base sont à renseigner : taille (en HP), nombre de rangées, présence éventuelle de rangs en taille 1U…
Il s’agit ni plus ni moins que d’indiquer au logiciel la taille du case. Simple… à condition de la connaître.


Et c’est là qu’on commence à saisir l’importance de toutes les réflexions préliminaires au sujet du budget, de l'usage et de la taille du rack.
Size does matter
La taille du rack va, en effet, définir le nombre de modules qui pourront y trouver leur place et, par conséquent, la consommation électrique globale et donc la capacité de l'alimentation à prévoir.
En Eurorack, la norme d’alimentation est simple : tous les modules se branchent sur une alimentation qui a pour rôle de distribuer l’énergie en +12V/-12V/+5V.
L’alimentation ayant une capacité maximale de courant qu’elle peut délivrer sur chaque tension, il faut veiller à ce que la consommation totale des modules qui y sont reliés ne dépasse pas cette valeur pour chaque tension.
Il y a donc, dans l'absolu, trois valeurs de courant à considérer : une valeur pour le +12V, une valeur pour le -12V et, enfin, une valeur pour le +5V.
L’intérêt de Modulargrid est d’avoir une bonne vision sur la consommation électrique d’un rack qui est mise à jour en temps réel à chaque ajout ou suppression de module.

Pour éviter les soucis, il convient d’ailleurs de ne pas trop s’approcher de la limite maximale de l'alimentation: certains modules, quand ils démarrent, sont en effet susceptibles de provoquer des pics de courant qui, si ils sont simultanés, peuvent amener à dépasser la capacité de l’alimentation.
Ce qui provoque des problèmes à l’allumage, avec des modules qui refusent de démarrer ou qui ont un comportement erratique.
Une bonne cible est d’essayer, dans un premier temps, ne pas dépasser 80% de la charge maximale acceptée par l’alimentation. Par exemple, pour une alimentation délivrant 1A sur le 12V, ne pas dépasser 0.8A conservera la marge nécessaire pour un bon fonctionnement.
Bien entendu, il faut surveiller les trois canaux indépendamment mais c’est aussi un bon moyen de préserver les composants de l’alimentation.
En terme de conception, on peut, au final, approcher le sujet de deux manières :
- Soit élaborer un rack complet et, en additionnant la consommation de chaque module, définir l’alimentation nécessaire à la fin (Modulargrid fait le boulot en affichant directement les valeurs en temps réel).
- Soit choisir son rack déjà alimenté et c’est l’alimentation fournie par le constructeur qui définira les limites à ne pas dépasser.
Les deux approches se valent et chacun aura sa préférence. Le plus important, à la fin, c’est d’avoir une alimentation électrique suffisante pour alimenter tous les modules, avec une marge suffisante pour le futur.
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