Débuter dans le Modulaire [Ep 3 : Questions existentielles]

Publié le 28 mars 2025 à 14:25

Se lancer dans le modulaire doit se faire en toute connaissance de cause car l’investissement financier et en temps personnel pour arriver à quelques résultats anecdotiques est loin d’être raisonnable.

Budget, usage, taille.... il est important de prendre le temps de bien réfléchir avant même d’acheter son premier module.

La première question à se poser avant même de réfléchir à son premier achat est probablement : pourquoi un modulaire ?

Cette question cruciale va définir en grande partie la suite de l’aventure.

Parce que...

Au-delà de la réponse évidente « pour faire de la musique électronique », il convient surtout de se demander : « pourquoi un synthétiseur modulaire ? » quand il existe aujourd'hui des systèmes beaucoup moins couteux et beaucoup plus rapides pour arriver au même résultat.

 

Dans son expression la plus élémentaire, un synthétiseur modulaire :

  • N’a pas de presets
  • N’a pas de sauvegarde
  • Doit être bien souvent recablé pour générer des sons différents
  • Demande un temps infini pour obtenir les sons recherchés
  • Coute beaucoup plus cher qu’un synthétiseur classique

 

Pour résumer, un synthétiseur modulaire est probablement le moyen le plus couteux et le plus inefficace pour composer de la musique électronique.

 

Ces inconvénients, associés aux innombrables combinaisons de modules possibles, peuvent engendrer une importante frustration si on aborde la conception d’un synthétiseur sans réfléchir sérieusement à l'usage de l'instrument.

En effet dépenser des milliers d’euros dans un système d’où ne sortent que des bruits incontrôlables, répétitifs et sans intérêt n’est probablement pas le résultat attendu quand on réfléchit à son premier rack.

C’est pourtant ce qui a de grandes chances d’arriver si les premiers achats ne sont pas réalisés en ayant en tête un objectif clair et, idéalement, modeste.

 

Pour guider un peu la réflexion, il faut préciser que les avantages du modulaire sont nombreux mais relèvent souvent des sensations personnelles liés à la manipulation des modules et au feedback que cela apporte dans les explorations sonores.

L’important est donc à la fois de se fixer des objectifs pour construire son système mais aussi de chercher des modules qui correspondent à sa propre façon de composer.

 

D'ailleurs, si les erreurs habituelles des débutants sont souvent les mêmes (achats compulsifs de modules, manque de vision globale, volonté de reconstituer exactement un instrument vu sur YouTube…) , il est aussi contre-productif de se reposer uniquement sur les conseils des pratiquants de longue date qui ont fait leur propre chemin et qui ont développé des habitudes qui ne correspondent pas toujours à ce qu’on souhaite obtenir.

Si leurs avis sont la plupart du temps donnés de bonne foi, il est important d'analyser les conseils à la lumière de son propre projet et de sa propre manière de composer.

On voit par exemple souvent des questions du genre « quel est le meilleur séquenceur ? » ou « je dois acheter quel VCO pour faire de l’ambient ? ». La plupart du temps, il y a autant de réponses possibles que de personnes interrogées et toutes les réponses sont généralement correctes.

En revanche, choisir parmi toutes ces suggestions celle qui conviendra à son propre projet est rarement une mince affaire et reste sera obligatoirement un compromis entre les possibilités d’un module, son encombrement, son prix et son ergonomie.

 

Par conséquent, sans avoir une idée claire de ce qui est recherché, du contexte de production et des habitudes et limites personnelles, il y a peu de chance que les premières acquisitions de matériel soient les plus pertinentes.

Se poser les bonnes questions.

Avant de se lancer dans l’achat de matériel, voici donc quelques questions basiques à se poser en toute honnêteté: quel budget, pour quel usage, de quelle taille...

 

  • Quel budget ?

Ce point est très important.

Le modulaire est un loisir couteux qui peut rapidement entrainer une spirale de dépenses irraisonnables.

Il semble a peu prêt acquis que le budget d’entrée, pour un rack permettant de débuter dans de bonnes conditions, est situé dans une fourchette comprise entre 1200€ et 1700€ pour un système Eurorack.

Dans cette gamme de prix, on arrive assez facilement à concevoir un synthétiseur avec deux voix soustractives correctes par exemple.
Mais cet investissement reste un minimum.

Un système complet, avec plusieurs sources sonores pouvant être séquencées et modulées, peut sans difficulté atteindre les 4000€. Il n'y a évidemment pas de limite haute et certains gros systèmes flirtent allégrement avec des tarifs à cinq chiffres.

Sans entrer dans les détails, il faut donc être conscient que pratiquer le modulaire Eurorack vous coutera, à minima, 1500€... et probablement beaucoup plus au bout de quelques années..

 

Se lancer dans un projet modulaire raisonnable passe donc par se fixer des limites budgétaires cohérentes avec son niveau de vie et à s'y tenir car le risque d'endettement et de difficultés personnelles est réel.

 

Il existe par ailleurs des alternatives moins chères, comme le système AE de Tangible Waves. Ce système, non compatible avec le standard Eurorack, permet de construire un synthétiseur complet pour moins de 1000€.

Tangible Waves Synth Explorer - Ultimate

 

  • Quel Usage ?

On revient à la question initiale : pourquoi un modulaire ?

Pour répondre à cette question, et orienter le choix initial des modules, il est utile de réfléchir à un cahier des charges basique :

  • quelle méthode de synthèse (soustractive, additive, hybride, granulaire, wavetable…),
  • quel type d’ambiance (dark ambient, IDM, chiptune, expérimental…),
  • quel moyen de générer les notes (MIDI externe, séquenceur spécifique, génératif ou aléatoire…),
  • quel support de sortie (carte son, système dawless…),
  • l’objectif global (produire de la musique, créer des sons expérimentaux, apprendre la synthése sonore, jouer en live…) 

 

et, évidemment pour ceux qui ont déjà un équipement dans leur home-studio, comment inscrire le rack dans leur workflow.

 

Ces questions ne sont pas exhaustives et il n’y a pas de mauvaise réponse. Il ne faut pas non plus les considérer comme définitives ou chercher des réponses tranchées. Se poser ces questions n'a pour seul but que d'avoir une idée plus claire sur l'usage qui sera fait du synthé. 

Par exemple, ne pas savoir si vous souhaitez faire de la synthèse additive ou utiliser un moteur wavetable n'est pas un problème et il est possible d'envisager les deux solutions. Mais se fixer une direction donnée va grandement simplifier le processus de création du rack.

De la même manière, si l'idée est de produire de la techno mélodique, il faudra certainement envisager des modules de drums adaptés qui ne seront pas les mêmes que pour composer de l'ambient atmosphérique.

 

L’intérêt du système modulaire est de pouvoir répondre à tous les cas de figure. La conséquence directe, c’est qu’il est très facile de faire les mauvais choix car, pour résumer : tout est possible.

 

L’idée derrière cette réflexion est de se concentrer dès le départ sur les modules essentiels nécessaires sans se laisser emporter dans un empilage de modules tous plus attirants les uns que les autres mais qui, à la fin, ne donneront probablement qu’un résultat décevant, couteux et, surtout, inadapté à ce que vous voulez en faire.

 

Cette étape est donc très importante et permet de simplifier les choix tout en les rendant plus pertinents grâce à des lignes directrices claires qui faciliteront les inévitables compromis.

 

     

    • Quelle taille ?

     

    Un autre gimmick du monde modulaire est le fameux « si tu manques de place, rachète un case ». Au-delà de l’aspect budgétaire, le principe de base de tout synthétiseur modulaire impose néanmoins une réflexion sur la taille du système.

     

    Il existe deux unités de mesure dans le modulaire :

    • La largeur, qui se mesure en HP (Horizontal Pitch).
      C'est une mesure commode qui devient rapidement intuitive. Les plus petits modules font 2HP de large, les plus imposants peuvent dépasser 40 HP. La moyenne se situe entre 6 et 16 HP pour les modules les plus courants.

    2 HP

    LPG - PhModular

    16 HP -

    Dual EnvVCA - 4ms

    42 HP - Black Sequencer Erica Synth

       

       

      • La hauteur, notée U. Pour les systèmes Eurorack, les modules font 3U de hauteur, il s'agit de la taille standard. Un modulaire avec deux rangs de modules fait donc 6U.
        Il faut noter à ce sujet l'existence très pratique de modules 1U, inventés par le constructeur Intellijel. Pour pouvoir les installer, il faudra donc prévoir à minima une rangée de 1U de haut dans le système.

       

      Pour ce qui concerne la largeur, la plupart des systèmes ont une taille comprise entre 84 HP et le classique 104HP. Ce sont des largeurs pratiques, où tous les modules sont accessibles et où les plus encombrants parviennent à trouver leur place.

      Ces largeurs qui deviennent des standards, sont aussi celles des boitiers les plus courants et donc les moins onéreux.

       

      Il peut être tentant, au départ, de s’orienter vers une taille plus réduite, de l’ordre de 64 HP. Il n’est d’ailleurs pas rare de voir, sur les réseaux sociaux, des racks très élégants de quelques dizaines de HP entourés de plantes vertes et capables de générer de très jolis morceaux d’ambient génératif.

       

      Si cette solution est parfaitement viable, elle peut s’avérer rapidement très limitée. Par ailleurs, la contrainte d’espace disponible dans un boitier peut rendre la conception d’un premier rack difficile du fait des compromis nécessaires.

       

      Pour ma part, mon système fait 84HP, largeur directement conditionnée par la place disponible dans mon studio. C’est, je pense le minimum confortable pour commencer et un bon compromis à l’usage.

       

      En ce qui concerne la hauteur, il faut être honnête : un seul rang 3U peut vite se révéler insuffisant. 

      De manière très schématique, un rack 3U permet de concevoir une ou deux voix de synthèse avec quelques modulations et peut trouver sa place dans un studio équipé avec d’autres machines capables de séquencer ou de rajouter des effets.

      On peut aussi se contenter d'un 84HP/3U en outil d’apprentissage de la synthèse ou pour du sound-design.

      C’est, enfin, une bonne taille pour garder le budget dans des limites acceptables. 

       

      Cependant, il faut avoir à l'esprit que, dès que l’on commence à multiplier les sources sonores, à vouloir ajouter des possibilités de séquençage ou que l’on souhaite gérer les effets audios, un rack 3U est rapidement trop limité.

       

      En cas de doute, ou de budget restreint, le bon choix est probablement de se limiter à un case 3U de 84 ou 104 HP qui pourra déjà accueillir un système fonctionnel et intéressant. Il sera toujours temps, plus tard et avec le bénéfice de l'expérience, d'agrandir le système en investissant dans un case plus conséquent.

       

      Si l’idée est, dès le départ, d’avoir un rack autonome, multiphonique avec un séquenceur voire des effets, il semble plus sage de partir à minima sur un système 6U voire 9U. Remplir un tel système peut alors prendre plusieurs années et le budget final dépasser sans mal les 5 k€.


      Une fois ces éléments clarifiés il est temps de se pencher, enfin, sur la conception de son premier rack à l'aide du site Modulargrid.

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